
Pour faire suite à l’entretien du mois dernier avec Dominic Harris de CarbonQuota, nous lui avons demandé d’approfondir une expression très familière que tout le monde reconnaîtra sans doute : la compensation carbone.
Dominic a tout d’abord expliqué que trop d’entreprises du secteur de l’imprimerie et d’autres secteurs utilisent le terme de compensation d’une manière qui n’est pas conforme à la science du climat. Bien que cela soit fait pour de bonnes raisons, cela suscite beaucoup de débats et de cynisme au sein de la communauté des spécialistes de l’environnement. En fait, l’initiative Science Based Targets, un leader mondial de la gestion du carbone créé par un consortium comprenant le World Wildlife Fund, n’accepte pas les compensations comme moyen de réduire le carbone.
D’ici à la fin de l’année 2021, un projet appelé « Voluntary Carbon Markets Integrity Initiative » (initiative volontaire pour l’intégrité des marchés du carbone), dirigé par Mark Carney, vise à élaborer des orientations internationales pour les entreprises. Ces orientations garantiront la crédibilité de vos affirmations concernant la neutralité carbone ou la neutralité nette par le biais de la compensation. Dans l’attente de ces orientations, nous allons tenter de combler les lacunes pour vous aider à planifier vos activités.
Qu’est-ce que la compensation ?
La compensation des émissions de carbone est une expression fourre-tout qui, à l’instar de « net zero » ou « carbon neutral », peut être utilisée à tort pour désigner des projets dont il n’est pas certifié qu’ils ont permis de réduire ou d’éliminer le carbone de l’atmosphère à l’heure actuelle. Dans de nombreux cas, la plantation d’arbres ou la préservation des forêts existantes ne font pas l’objet d’une vérification indépendante.
Être neutre en carbone en utilisant la compensation signifie que le carbone émis par une activité (par exemple, la fabrication d’un produit) est annulé aujourd’hui par la réduction ou l’élimination d’une quantité égale de carbone. Cela doit se faire par le biais de systèmes de compensation vérifiés et traçables qui garantissent que la réduction du carbone est réelle et permanente.
Quelle est la meilleure approche pour nos membres ?
La compensation ne devrait intervenir qu’après un programme exhaustif de réduction des émissions de carbone, a expliqué Dominic. Les entreprises durables devraient avant tout s’efforcer d’atteindre un objectif ambitieux de réduction des émissions de carbone et ne recourir à la compensation que lorsque les émissions de carbone résiduelles ne peuvent être éliminées.
Il a également expliqué les normes internationales qu’il convient de respecter lorsque l’on envisage de procéder à une compensation. Par exemple, lorsqu’une organisation cherche à devenir neutre en carbone, il est essentiel d’appliquer la norme PAS 2060, qui permet de démontrer la crédibilité de vos efforts de gestion et de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Vous ne devez également sélectionner que des compensations carbone provenant des programmes de la plus haute qualité, tels que Gold Standard et VCS. Ces types de programmes offrent une approche de portefeuille qui utilise plusieurs initiatives telles que les fourneaux propres, l’eau propre, le biogaz, les énergies renouvelables et certains programmes forestiers. Cela permet d’atténuer les risques liés à l’augmentation des prix, à la réputation et au manque de disponibilité. Ces programmes apportent également un avantage socio-économique plus large aux communautés locales, notamment en termes d’emploi, d’amélioration de la santé, de biodiversité et de nombreux autres facteurs qui contribuent aux objectifs de développement durable des Nations unies.
Existe-t-il d’autres choix ?
Les grandes entreprises telles que les chaînes de supermarchés parlent rarement de compensation et concentrent leurs efforts sur la collaboration avec des fournisseurs qui réduisent activement les émissions de carbone. Il s’agit d’un domaine critique pour les grandes marques et leurs attentes à l’égard de leurs chaînes d’approvisionnement sont de plus en plus élevées. En fait, Unilever a déclaré vouloir voir les empreintes carbone sur tous les devis et factures qu’elle reçoit, ce qui signifie clairement que ses fournisseurs devront trouver un moyen de le faire !
Le message est clair : nos membres devraient considérer que la réduction de leurs émissions de carbone est le meilleur choix dans leur démarche de développement durable.
Programmes de plantation d’arbres et de réensauvagement
Elles sont essentielles pour rétablir la biodiversité et contribuer à prévenir l’effondrement potentiel de la nature dû aux activités humaines. Toutefois, ils ne sont généralement pas considérés comme neutres en carbone à court terme, car il faut des décennies pour qu’un nouvel arbre commence à éliminer le dioxyde de carbone de l’atmosphère. À bien des égards, ces programmes sont un cadeau pour la génération suivante.
Préservation des forêts
Là encore, elles sont essentielles pour préserver la biodiversité existante. Cependant, elles sont rarement considérées comme une véritable compensation répondant aux normes de neutralité carbone, car de nombreuses personnes affirment que la forêt n’était pas menacée au départ, ou qu’elles n’inversent pas les émissions de carbone.